Les Sentiers Plaisir® : un accueil qui fait son chemin
L’idée des Sentiers Plaisir® naît en 1989 du constat que la vallée de la Bruche manque d’une réelle culture de l’accueil. Que les habitants, bien que très attachés à leur territoire n’affirment pas leur fierté d’en être et n’en sont pas les ambassadeurs. La vallée désertée par l’industrie textile, perd de son attractivité économique et aux yeux des habitants de son attrait. Dès lors, comment redonner confiance et fierté aux habitants en attente d’une industrie providentielle qui viendrait « en sauveur » leur faire entrevoir un avenir meilleur ? Après des années de quasi mono industrie florissante, la perspective d’une alternative fondée sur le développement d’un « tourisme vert » est vécue comme un palliatif dans un territoire en véritable « déprime » quant à son avenir…
Prendre en main son destin
Une prise de conscience politique voit alors le jour et avec les premiers grands plans de décentralisa- tion, apparaît pour la vallée, l’opportunité d’une reprise en main de son destin. Une intercommunalité de développement est créée en 1988 à travers un SIVOM dont les orientations stratégiques se fondent sur : le réemploi des friches industrielles, la reconquête des paysages abandonnés par l’agri- culture et un tourisme intégré. Il n’en reste pas moins que, sans habitants dans ce projet, rien n’est possible. Renouer avec la fierté d’appartenir à cette vallée, le revendiquer et cultiver une véritable culture de l’accueil : telle est l’ambition affichée. La montagne et la culture de la randonnée fortement ancrée dans le massif des Vosges offrent une opportunité. Alors qu’elle recèle d’immenses richesses naturelles et patrimoniales ! L’idée germe : qui mieux que tout autre, saurait le temps d’une balade à pied, faire découvrir un territoire, son patrimoine, ses savoir-faire et partager ses passions, ses coups de cœur ? Le moment était venu de donner la voix aux habitants. L’office de tourisme lance son premier appel aux habitants de la vallée. Bien avant que le concept de Greeters ne naisse à New York et ne franchisse l’Atlantique, la première édition des « accueillants bruchois » chapeautée par l’office de tourisme baptisée « Sen- tiers Plaisir » ® voit le jour à l’été 1989. Elle réu- nit déjà quarante-trois sorties et vingt-trois animateurs bénévoles.
Des eXPériences immersives et humaines
Favoriser la rencontre habitants/visiteurs, partager tout en marchant des savoirs issus de la mémoire collective locale ou du tissu associatif. Ouvrir la programmation à tous les publics. Se démarquer de l’étiquette classique de la visite guidée et pro- poser des rencontres simples avec ceux qui font vivre le territoire. Des expériences réellement immersives et humaines où dans un échange informel et généreux on partage une tranche de vie, des coutumes, des particularités locales et on se réapproprie son territoire à travers les yeux des autres. Le concept est simple tant pour les bénévoles que pour les visiteurs. Une date, un point de rendez-vous, un animateur, un thématique, un agenda défi ni sur la période estivale, consultable en amont et qui permette au public de faire le libre choix de ses sorties, une participation sans aucune obligation d’inscription, ni participation fi nancière. Un engagement fort : toutes les balades sont honorées quel que soit le nombre de participants sauf contre-indications météorologiques.
De quelques feuillets de brochure à l’origine, les éditions sentiers plaisir® ont mué, après plusieurs tentatives pour trouver l’option la plus pratique, en un carnet-programme complet et pratique à deux entrées : par thématique avec la présentation synthétique des balades au fil du carnet ou par date dans un calendrier central. La programmation dé- taillée est disponible pour le public en édition papier ou en version téléchargeable. Simple, sobre, le parti pris de la brochure est de valoriser l’initiative par un support qui se démarque des supports touristiques habituels sur papier glacé. Il ne se donne pas à voir immédiatement mais cherche à susciter la curiosité… par un papier coloré et une découpe qui en font un objet distinctif, agréable au toucher, qualitatif que l’on a envie de conserver. De fait, la déclinaison annuelle en fait un objet collector que de nombreux fidèles collectionnent an- née après année. Le carnet coloré tout comme le nom Sentiers Plaisir® (au demeurant déposé) sont devenus d’incontournables outils de promotion et de communication de la vallée de la Bruche.
100 sorties, 60 animateurs, 40 thématiques
Maintenir la dynamique de la programmation en continu, l’enrichir chaque année de nouvelles sorties et de nouvelles thématiques, anticiper la rupture générationnelle des bénévoles, éviter que le programme ne devienne obsolète et intégrer des sujets au diapason des évolutions sociétales. Inscrire le projet dans la durée signifiait englober tous ces facteurs. Au fil des années, l’office de tourisme a continuellement identifié de nouveaux « ambassadeurs », d’autres ont rejoint le mouvement par le bouche-à-oreille ou se sont proposés spontanément suite à une participation comme visiteur aux sorties « Sentiers Plaisir ». A ses débuts la programmation se limitait à des sujets conventionnels comme l’histoire, la nature ou le patrimoine. Puis elle a été étoffée au fil des décennies avec de nouvelles thématiques dans l’air du temps : « fa- mille », « bien-être » ou « éco-rando ». Une trentaine d’années plus tard le calendrier affiche 109 sorties de mi-juin à septembre et soixante animateurs bénévoles mobilisés sur une quarantaine de thématiques sur tout l’été.
L’engagement environnemental et La reconnaissance
En adhérant en 2022 au réseau des Acteurs du Tourisme Durable, l’office de tourisme a pérennisé son engagement à œuvrer pour un tourisme vertueux et plus humain.
Encourager le covoiturage entre les participants a été d’emblée un choix. Favoriser l’écomobilité est devenu par la force des choses une nécessité et une évidence d’autant que la vallée de la Bruche est la seule vallée d’Alsace desservie par une ligne ferroviaire (Strasbourg – Saint-Dié –Epinal). Dès lors, une réorganisation a été mise en place pour ajuster, dans la mesure du possible, les départs des sorties aux horaires d’arrivée d’une des gares de la ligne et inciter ainsi le public de proximité à re- joindre les sorties en transports en commun. En adhérant en 2022 au réseau des Acteurs du Tourisme Durable, l’office de tourisme a pérennisé son engagement à œuvrer pour un tourisme vertueux et plus humain. Le jury des Acteurs du Tourisme Durable a salué ce travail de longue haleine en lui décernant en 2022 le Trophée Horizons pour « les Sentiers Plaisir »® au titre de l’ancrage local. Cette distinction récompense « les initiatives ayant pour objectif de favoriser le lien visiteur-visité et l’ancrage du tourisme avec l’écosystème local. Par exemple : la favorisation du partage et du rapport non-marchand touriste/habitant, la prise en compte et l’implication des habitants dans l’offre touristique, la valorisation des initiatives citoyennes ». Cette distinction revient de fait aux 60 partenaires qui, pour une ou plusieurs sorties durant l’été, accompagnent, pour certains depuis trente ans pour d’autres depuis peu, des balades au fil de l’été. Gageons que cette reconnaissance participe de la pérennité de cette initiative qui cultive la convivialité entre les animateurs notamment à l’occasion d’un repas annuel. Véritable repas de famille c’est avec plaisir que l’on se retrouve pour prendre des nouvelles, échanger sur les réussites de l’année et les améliorations à apporter.
Les Sentiers Plaisir®, trente-quatre ans plus tard
Maintenir vivace cette aventure depuis plus de trente ans, est un vrai défi. En 2023, la dynamique ne s’est pas essoufflée. Le carnet est rempli ! Le plus jeune animateur, Tom, fête ses 13 ans, les « anciens » Henri et Hubert affichent fièrement leurs 80 ans passés et totalisent à eux deux trente- trois participations sans interruption depuis le dé- but. L’envie de partager, la passion sont toujours là. Cet engagement inconditionnel est le moteur des « Sentiers Plaisir »® et conforte les acteurs du tourisme de la vallée de la Bruche dans leur choix d’ancrer les habitants au cœur de l’offre touristique. Ce qui pourrait encore être amélioré ? Que les hébergeurs mesurent davantage encore la chance que représente cette offre unique en son genre en tout cas par sa longévité, la simplicité du concept et l’engagement des habitants. Beaucoup de visiteurs viennent de loin pour y participer, d’autres de la région reviennent fidèlement année après année pour s’essayer à une nouvelle sortie ou un autre thème. Tous sont unanimes quant au plaisir qu’ils ont pris à ces rencontres simples et sans prétention qui font le sel du voyage…
Les Sentiers Plaisir® en résonnance avec La stratégie touristique de La vallée de La Bruche
Favoriser l’écomobilité est devenu par la Force des choses une nécessité et une évidence d’autant que la vallée de la Bruche est la seule vallée d’alsace desservie par une ligne Ferroviaire
Initiée dès la fin des années quatre-vingt, la poli- tique de développement touristique menée conjointement par les élus et les professionnels de ce territoire a, notamment, conduit en 2003, bien avant que la loi NOTRe ne l’y oblige, à la création d’un office de tourisme à l’échelle de la vallée de la Bruche. Plusieurs années d’actions concertées ont abouti à des réalisations publiques et privées de valorisation de l’offre touristique, de développement de nouveaux services, de création d’animations et d’événements, d’actions de promotion et de mise en marché. En 2018, le moment semble opportun pour prendre du recul et poser un regard sur la cohérence de l’action, ses forces et faiblesses et ses fragilités. Cet « arrêt sur image » sur le positionnement touristique de la « destination » vallée de la Bruche s’impose dans un marché du tourisme particulièrement concurrentiel qui fait face à des mutations profondes liées à l’évolution des modes de consommation touristique, à l’impact des changements climatiques. Au-delà de la seule analyse objective, l’enjeu est de questionner le rôle des acteurs touristiques et, au-delà de toutes les parties prenantes au projet de territoire, de mobiliser l’ensemble des acteurs publics et privés autour d’un projet collectif, une ambition partagée. Quelques mois de travail plus tard, accompagnés par un cabinet spécialisé, nous avons abouti à la définition d’une stratégie touristique à l’horizon 2028, en quatre axes que l’office du tourisme s’est totalement approprié : faire de notre vallée une destination sans voiture qui fait de la mobilité douce et du « slow tourisme » une priorité, puiser dans les racines de notre histoire et se reconnecter avec humilité à la nature, entretenir et partager la fierté d’appartenir à cette vallée et cultiver en- semble « l’art de la rencontre » qui donne tout son sens au voyage, bâtir un tourisme plus agile et résilient, capable de se réenchanter.
Cette feuille de route s’est avérée visionnaire au regard des bouleversements et des accélérations issus de la crise mondiale de 2020. Même dans nos rêves les plus fous, nous ne pouvions imaginer combien la pandémie bouleverserait, non seulement nos vies, notre économie, notre manière de travailler, mais également notre façon d’appréhender le monde, de vivre nos relations sociales et en particulier, notre manière de voyager… La crise sanitaire a accentué un besoin de tourisme de sens et d’éthique, de tourisme qui inclut et implique tous les membres de l’écosystème touristique. Elle a permis d’interroger le plus grand nombre sur son rapport à l’autre, au territoire visité, à la vie, à l’économie et au voyage. En mettant en lumière notre vulnérabilité et en stoppant le rythme effréné de l‘économie mondiale, l’humanité a pris conscience de ses valeurs intrinsèques et a souhaité revenir aux va- leurs essentielles, des valeurs simples, des va- leurs d’échanges et de partages. Le développe- ment des circuits courts notamment, et le tourisme de proximité démontrent cette réalité. Le besoin de retour aux valeurs, à notre histoire et à nos racines se voit également à travers le sur- saut du tourisme patrimonial. La recherche de l’authenticité devient une quête chez le voyageur. Il veut du vrai, des vraies personnes et de vraies histoires de territoire. Il recherche des rencontres avec les habitants donnant pleinement raison à Alexandra David Néel : grande voyageuse première femme européenne à se rendre dans la cité interdite de Lhassa, au Tibet. : « Voyager sans rencontrer l’autre ce n’est pas voyager c’est se déplacer ».
Rédaction : ANNE-CATHERINE OSTERTAG / Directrice de l’office du tourisme de la communauté de communes de la Vallée de la Bruche • REVUE ESPACES • mai-juin 2023 •
Crédits photos/graphismes : © OTVB / Stéphane SPACH • atelierfika.fr